MICHIEL DE SWAEN

De Vondel van Duinkerke (1654 – 1707)

De Swaen est né en 1654 d’un père cambraisien : Pierre Le Cygne. Sa mère, elle, est dunkerquoise. Pierre Le Cygne, arrivé à Duinkerke quelques années auparavant, apprend le flamand, néerlandise son nom et éduque son fils dans sa nouvelle langue ! Cette pratique traditionnelle en Flandre en dit long sur l’esprit d’ouverture qui pouvait régner dans certains milieux. Elle s’explique de plus par le souvenir vivace de Charles Quint et des 17 provinces dans lequel vivent alors les Cambraisiens. Pour eux leur ville est néerlandaise ; à leurs yeux Duinkerke est une ville –soeur dont seul la langue diffère.

A la naissance de de Swaen, Duinkerke , ville des Grands Pays Bas , unité politique, est un gros bourg de 12000 habitants. On y vit de la pêche et des constructions navales. La Flandre connaît alors de graves difficultés : les récoltes sont mauvaises et les épidémies nombreuses : 1328 morts à Duinkerke en 1693. Un enfant sur deux meurt avant un an. Mais surtout les Français prennent la ville en 1654 et la cèdent aux Anglais en échange de Grevelingen (Gravelines). Cromwell veut s’y établir solidement, car il saisit l’importance de cette ‘véritable Gilbraltar de la Mer du Nord »

En 1662, Charles II d’Angleterre vend Duinkerke à Louis XIV. Et les Dunkerquois verront arriver sans joie les Français et toute leur administration. On leur fait des promesses quant au respect de la langue. Elles ne seront jamais tenues et une résistance à l’occupant va s’instaurer. C’est l’époque où l’on chante dans les cabarets : te Duynkerke gaet ‘t al verkeerd : de meisjes zijn in ‘t fransch geleerd. ( à Duinkerke tout va de travers : les filles sont élevées en français). Les Français sont très mal vus et le flamand dialectal de Flandre française en a gardé de très nombreuses et savoureuses expressions, dont notamment Pit’je veer’tiende (Pierrot l’quatorze) pour désigner le Roi-Soleil. Sachant qu’un peuple sans armes ni armée n’est plus un peuple, le marquis d’Estrades, gouverneur français, dissoudra nos ghildes guerrières dunkerquoises.

C’est donc dans une atmosphère de fronde et de résistance –qui explique en grande partie son œuvre – qu grandit Michiel de Swaen. De langue maternelle flamande (le « neéerlandais » de l’époque), de Swaen fait ses études en français. Il deviendra donc un parfait bilingue et si l’éducation classique française l’influencera en partie, ce sera néanmoins dans sa moeder’taal qu’il écrira

Il sera barbier-chirurgien. La profession nous semble de nos jours comique. Mais manier le rasoir et manier le bistouri doivent relever de la même dextérité car il fallait pour d’établir passer six années d’apprentissage manuel chez un autre chirurgien, la moitiè au moins de ce stage devant s’effectuer dans la ville même. C’est pourquoi aucun de Swaen n’est inscrit sur les rôles des Facultés de Douai et Leuven. Ajoutons qu’à l’époque la médecine était très avancée en Flandre comme dans tous les Pays-Bas. La France, très en retard, se faisait remarquer par de violentes querelles entre nos chercheurs et Pattin, « médecin du Roy ». Ce dernier confondait médecine et dogme chrétien : il ne croyait pas à la circulation du sang.

Michiel de Swaen commence à exercer dès 1678 à Duinkerke. Il consacrera assez peu de temps à son métier : la condition de bourgeois lui permet de réaliser ses dons en disposant de rentes provenant du travail de ses parents. Sa vie sera en fait surtout consacrée à la poésie et au théâtre.

A Duinkerke , ses fréquentations se feront surtout dans son milieu. C’est à ce titre qu’il fréquente Jan BAERT, de quatre ans seulement son aîné, avec qui il entretiendra d’excellents rapports. La défection de Jan Baert vis-à-vis des Pays-Bas et sa mise à disposition de LouisXIV semble n’avoir en rien choqué Michiel de Swaen, pourtant nettement opposé au nouveau pouvoir. Il est vrai qu’à l’époque se battre pour la France ou les Pays-Bas ne changeait pas grand’chose : un guerrier comme Jan Baert avait pour essentielle patrie ses navires et ses compagnons d’armes…qui rassurons-nous parlaient flamand sans exception.

La vie privée de l’écrivain sera sans histoire : il se marie vers 1670 et aura quatre garçons. Trois d’entre eux entreront bientôt en religion. On notera cependant les villes qu’ils choisirent pour s’établir, preuve de la mentalité de l’époque qui considère la Flandre une de Antwerpen à Arras : Rotterdam, Gent, Ieper et Veurne.

De Swaen s’interessera beaucoup à sa ville natales puisqu’il fera partie du magistrat comme conseiller de 1688 à 1692. il ne sera jamais échevin. Pour le Docteur Lemaire de Duinkerke, on doit l’expliquer par les attaches trop fermes qu’il ressentait pour sa langue et son peuple : il ne pouvait de ce fait être persona grata auprès du pouvoir.

C’est un thème encore peu connu en Flandre française que celui de la Grande Néerlande. Il s’agit d’un dépassement de l’attachement à la terre flamande pour atteidre à un concept politique de grande envergure : un pays de la Somme à Groeninge. Notre rôle n’est pas ici de juger, mais de constater : de Swaen était Grand-Néerlandais. Le Professeur Celen a montré qu’il se sentait « een Nederlander » , « een Nederlander in algemene zin », « een Nederlander, niet in de betekenis van Zuid-Nederlander , een Nederlander tout court » « een groot-Nederlander », et ce n’est pas trahir sa pensée que d’ajouter : « een Groot-Nederlander ». De Swaen voulait bannir le « particularisme » et étendre les horizons de son peuple aux dimensions totales d’un destin national néerlandais. Qui donc a écrit :

« Dat gheel het land dit wordt gevaar.

Mij dunkt il zie de Schelde stromen

Met lieve, Leie en Colme-vloed…

Langs duinen, weid en veld…

Tot waar Neptuin omhelst de zoete stroom der Schelden » ?

Toute son eouvre reflète ce sentiment. C’est entre autres à ce titre qu’elle ne peut en rien être ravalée au niveau tant soit peu poussiéreux de celle d’un Faulconnier.

Un point est essentiel : Michiel de Swaen ne quittera pas longtemps sa ville natales. Le Normand Corenille – avec qui il entretiendra d’excellents rapports – devra quitter son pays pour Paris. Dans le cas contraire il aurait peut être subi le même black-out.

L’attitude de de Swaen est significative à deux titres : d’une part, en ne « montant » pas à Paris, il montre que tous les habitants de notre région vivaient dans le sens de nos rivières : le regard tourné vers le delta. Paris est ressenti comme une  capitale, certes, mais d’un pays étranger. D’autre aprt, on constate que même dans ce contexte , Michiel de Swaen participera intimement à la vie culturelle de sa ville tout autant qu’à celle de ses capitales Gent et Antwerpen : en Flandre point n’est besoin pour prouver sa valeur de se déraciner dans une capitale tentaculaire.

Il s’affilie à une des deux Rederijke Kamers (Chambres de Rhétorique) que Duinkerke possède et dès 1687 en est élu PRINS. Il le restera jusqu’à sa mort. L’impulsion qu’il donnera provoquera un réveil hélas trop tardif des Kamers de West Vlaanderen. Le travail de sape de l’Eglise avait déjà porté ses fruits.

Michiel de Swaen , excellent bilingue, traduira Le Cid qui un siècle après sera encore joué par les ghildes littéraires de Belle, Kortrijk, Menen, Roeselaere, Diksmuide, Steenvoorde, Bergues St Winock, Eecke et Caester.

Il ne sera pas seulement  « un traducteur » mais aussi un poète…anonyme la plupart du temps : on sait que les Rhétoriciens écrivaient pour l’honneur et la gloire de leur Kamer et de leur pays plus que pour la leur. Il excelle surtout dans la poésie lyrique et possède un réel talent pour la description qui rappelle, toutes proportions gardées, celui d’un Balzac pour al France. Certes son art n’a plus la beauté raffinée de la Renaissance mais celle du classicisme. Un classicisme une peu « apprivoisé » du reste : grâce à l’influence de Vondel, poète baroque, de Swaen évite la monotonie.

Ses six drames sont construits sur le modèle classique. Ses deux œuvres principales serotn «  De Zedighe dood van Keizer Karel » (la mort morale de Charles Quint, ou l’abdication) et «  De Gekroonde leers » (la botte couronnée).

Notre Empereur jouissait en Flandre et dans tous les Pays-Bas d’une immense popularité. On l’appelait l’onsterfelijke, sprookjeekeiser, vader van zuij volk. Il était d’ailleurs né à Gent. Dans l’ « Abdication », on assiste au crépuscule du grand monarque germanique. Cette œuvre marque le point culminant du talent de notre écrivain. On peut y voir aussi son testament spirituel et politique.

Notre Empereur avait aussi été en honneur dans cette œuvre « de gekroonde leers » qui inaugura la carrière théâtrale de Michel de Swaen. Elle fut joué pour al première fois en 1688 lors du Karneval de Duinkerke, à l’occasion de la sortie du Reuze le Mrdi6gras. Replacée dans ‘atmosphère d’occupation que nous avons décrite, on comprend que de Swaen ait voulu établir un net contraste entre la simplicité orgueilleuse (l’orgueil étant une qualité, ces deux termes ne se nient pas l’un l’autre) de Keizer Karel et le faste vaniteux de Louis XIV. Cette œuvre est connue du monde entier. Elle fait chaque fois salle comble. A Paris, lors du 2ième Festival International d’Art dramatique, elle représentait la Flandre et connut un succès dont la presse française se fil largemetn l’écho. Aujourd’hui elle est encore régulièrement joué en Belgique, aux Pays –bas et en Afrique du sud.

Michiel de Swaen est décédé en 1707

Par  notre regretté camarade : Dominik HARDEBOLLE

 

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